Meilleur commentaire critique
3,0 sur 5 étoilesUn bon roman... qui n'accomplit pas toutes ses promesses
Commenté en France 🇫🇷 le 3 février 2021
Pour commencer, j'ai dévoré ce roman. Il est bien construit du point de vue du suspense, l'écriture est fluide, on a envie d'avancer et d'arriver à la fin. Un vrai page-turner. Les questionnements sur la littérature, sur la vie humaine, sur le bonheur et les hasards de la vie sont intéressants, mais l'auteur n'y apporte aucune réponse: on survole ces questionnements bien plus qu'on ne les creuse. Je comprends ce que l'auteur a voulu faire, mais pour moi c'est loupé.
Sur toute la panoplie de personnages, seulement trois sont véritablement construits, les autres ne sont que des clichés sans aucune profondeur. D'ailleurs, l'auteur nous propose de passer beaucoup de temps aux USA, mais on se demande si lui y a seulement mis les pieds: les personnages américains sont tous des clichés, unidimensionnels. La description de la société américaine ne tient pas la route pour quiconque y a passé ne serait-ce qu'un jour ou deux. Je ne parle même pas de la description de Trump qui est ridicule, pleine de clichés bien-pensants. Pour la description de Macron c'est pareil. Pour l'auteur, une avocate américaine a forcément la dent dure, un scientifique américain porte forcément les cheveux longs poisseux et des t-shirts troués. Les prénoms donnés sont ridicules d'irréalisme. Je ne parle même pas de la façon dont il parle de l'inceste en deux pages écrites avec les pieds. Et je vais m'arrêter là dans la liste de cliché. Ce que c'est creux!
La réflexion sur la nature de l'expérience humaine est intéressante mais elle est amenée dans une suite de dialogues vraiment mal écrits qui sonnent artificiels et la philosophie proposée est du niveau de Matrix. On nous parle sans cesse des méchants riches qui ruinent la planète, des humains qui détruisent tout, mais pour moi c'est fait au niveau de "la guerre c'est pas bien, les dauphins c'est gentil", bref ce n'est pas vraiment construit, beaucoup de portes ouvertes sont enfoncées, ce qui satisfaira les pseudo critiques de notre temps, mais ça n'apporte rien qui ne soit abordé ailleurs.
Je pense que l'auteur a mené une vraie réflexion sur la nature de la littérature blanche. Mais il ne suffit pas de simplement référencer les recherches formelles comme "Si par une nuit d'hiver un voyageur" pour être à son niveau. Il ne suffit pas de mélanger les genres, de mettre en abyme, de s'auto-réferencer, de décrire des scènes ubuesques comme celle de Stephen Colbert (l'auteur a-t-il seulement regardé deux minutes de cette émission? Je n'en ai pas l'impression), il ne suffit pas de partir dans des raisonnements pseudo-philosophiques pour faire un bon livre. Il faut aussi arrêter de parler en cliché, proposer une vraie poésie de la langue, mais il faut surtout proposer une vision. Or ici, je n'ai pas l'impression qu'il y ait une quelconque vision. Qu'est-ce que l'auteur propose sur l'expérience humaine, sur sa compléxité? Rien. Que propose-t-il comme vision de la littérature? Pas grand chose.
L'écriture est fluide certes, mais le cerveau avance avant les yeux: on s'attend à la fin de la phrase dès le début. Il n'y a aucune figure de style vraiment originale, aucune phrase que l'on retiendra. L'ironie qui apparait au deuxième tiers du roman devient vite insupportable par son aspect immature et facile (oh là là qu'ils sont méchants les producteurs de télé, par exemple) le mélange des articles de journaux, les dates qui se mélangent, les flashbacks, sont dignes d'un primo-auteur, c'est du lu et du relu.
Cependant, ça reste un bon roman divertissant qui ne laissera aucun souvenir. Si vous voulez passer un bon moment, je vous encourage à le lire. Si vous voulez aller plus loin, si vous voulez quelque chose de plus profond, passez votre chemin, allez lire "Si par une nuit d'hiver un voyageur" ou "W ou le souvenir d'enfance". L'original est toujours mieux que la copie. En plus c'est déjà en poche. Peut-être que c'était là le vrai but du livre?